Le récit qui va suivre est certainement à considérer comme étant la première véritable traque complète qui nous ait été donné de vivre à Samina et moi-même durant cette année. En effet, si de beaux moments nous ont été octroyés jusqu'ici, c'était toujours avec un goût de trop peu ou non complet, trop structurel, cela se répercutant d'ailleurs sur le plan vidéo, domaine qui n'a pas vu de nouveaux courts métrages illustratifs depuis l'an dernier. Par ailleurs, j'ai accumulé pas mal de retard sur des traques dont une ayant aboutie sur des éclairs nocturnes lors de ce mois de mai donc, je vais plutôt retourner vers le mode, nouvelle traque, nouveau sujet, ce qui m'évitera de devoir rester chronologique car j'avoue que la traque du 24 mai fut mémorable à tel point que j'ai passé une dizaine de jours dans la post-production du premier court métrage de la saison.
En effet, il semble que l'on ait enfin vécu une journée orageuse digne de ce nom, non pas que les précédentes ne l'étaient point mais c'est qu'avec les orages de masse d'air, il est très difficile de se trouver exactement au bon endroit, au bon moment pour obtenir le trophée que l'on convoite tant et il s'est avéré que l'on se trouvait souvent tout juste à côté d'une cellule bien active, de quoi se décourager quand on pense à toute l'énergie qui se dépense devant nous sans que nous puissions en profiter convenablement.
De plus, cette journée est assez anecdotique mais avant de détailler cela, je vous propose de commencer par le commencement...
Au départ, il faut dire que nous étions tous les deux malades, pas seulement d'un manque d'orages mais aussi d'une angine blanche. Le soleil brillant à l'extérieur plus la tendance orageuse nous motivaient de sortir d'autant plus qu'aucune responsabilité n'était présente contrairement à une situation de "travail". Dès le matin 9h, nous avons pris la direction du sud du pays, lieu où il devait se former les premières cellules durant l'après-midi d'après le modèle WRF de météociel.
Le but d'être parti si tôt venait surtout du fait que l'on voulait posséder un maximum de chance de se trouver en face du cumulus qui percera l'inversion présente durant cette journée pour devenir le grand orage tant désiré. Car ne l'oublions pas, les orages de masses d'air qui nous côtoient depuis un petit bout de temps ne bénéficiant que rarement de dynamisme voyaient leur activité durer qu'un temps très court, clairement insuffisant pour rallier l'orage en activité et effectuer une vidéo. Il nous fallait donc tomber sur l'orage qui ferait mine d'entrer en activité en notre présence.
Déjà au matin, un appel de Jean-Yves nous apprend qu'une ligne de convergence pourrait se former au nord-ouest de la Belgique. Nous trouvant sur la route vers le centre de la province de Namur à ce moment là, nous ne trouvions pas cela spécialement super à découvrir mais fort heureusement, la convection dans les Ardennes belges était toujours d'actualité dans les prévisions. Une fois arrivé dans les environs de Namorimont, au sud de Ciney, ville bien connue pour les fameuses rafales descendantes du 14 juillet 2010, nous allâmes repérer un autre point de vue plus au sud vers Rochefort. Le point recensé et répertorié, nous nous sommes rendus dans la ville même de Rochefort pour chercher de quoi se délecter en attendant les premières formations nuageuses. Il était alors 11h30 lorsque nous revenions vers notre nouveau point de vue.
Sur la route, un détail me fit rapidement tourner la tête vers le ciel, lorsque que je voyais les premiers cumulus humilis voire médiocris se former tout juste dans l'environnement qui nous entourait. Autant dire que j'étais plutôt satisfait de la visée dont on avait fait preuve. Maintenant que la convergence était située, il ne restait plus qu'à surveiller les cumulus qui allaient en profiter pour se former le long de celle-ci en prenant le soin de deviner quel serait celui qui serait susceptible de produire un orage.
La ligne s'étendant sur une cinquantaine de kilomètre, ce n'était pas du tout gagné et le fait que la ligne semblait descendre tout doucement vers le sud nous donna l'envie de descendre aussi plus au sud ce qui nous a conduit vers un nouveau point de vue découvert dans la région de Journal se situant dans la province de Luxembourg. Sans rire, pour un caméraman travaillant dans le monde du journalisme, ce nom n'était pas très dépaysant.
Là-bas, nous avons croisés des militaires en exercice qui trônaient tout juste sur le point de vue mais fort heureusement, il a suffit d'aller 100 mètres plus loin pour se garer et observer les premières tentatives de certains cumulus à atteindre le stade du cumulus congestus. Ces tentatives, présentent au tout début du film, le lien de celui-ci étant présent en bas de ce récit, étaient bénéfiques pour obtenir des images intéressantes. Plus tard dans la journée, vers 15h, nous nous sommes reposés car la maladie étant là, il était parfois difficile de rester un minimum actif lorsque tout à coup, j'ai observé l'une ou l'autre enclume se former. Bizarrement, ces dernières ne semblaient pas du tout trahir d'orages costauds alors que l'instabilité atteignait des sommets (près de 2500 j/kg de CAPE).
Probablement que la dynamique était tellement molle que rien ne pouvait organiser un minimum la convection... On finira même par observer une cellule qui se sera tout juste formée à côté de nous. Le plus fort dans l'histoire est que c'était la première en Belgique à entrer en activité ! Cela dit, celle-ci fut assez baroque et peu intéressante. Vu que les nuages convectifs semblaient se déplacer tout doucement vers le sud-ouest, on a pris le chemin de St-Hubert qui semblait se trouver sur la trajectoire des cellules susceptibles d'entrer dans une activité un peu plus intéressante. Arrivé là-bas vers 16h, je dois dire que Samina commençait à désespérer de voir quelque chose de captivant et moi-même aussi d'ailleurs. Cela dit, si peu de cellules étaient parvenues à quelque chose, on pouvait toujours se dire que l'énergie potentielle convective disponible était toujours là à attendre le moindre dynamisme pour faire tout sauter...
He bien, il s'est avéré que cela arriva vers le coup de 17h30 lorsque tout à coup, des taches d'un blanc immaculé apparaissaient sur la carte satellite tout juste à l'ouest de notre position. En effet, lorsque nous nous sommes mis en route, on tomba directement nez-à-nez avec une immense colonne ascendante à contre-jour qui n'était rien d'autre qu'un cumulus congestus qui était en phase d'explosion.
Cumulus congestus en développement rapide.
Une dizaine de minute ont suivi avant que nous puissions se trouver à l'ouest de ce cumulus, dans la région de Mogimont étant non loin de la frontière française. Ce laps de temps a suffit pour que le cumulus congestus de la photo précédente arrive au stade présent sur la photographie ci-dessous.
Cumulus congestus passant vers le stade de cumulonimbus. On observe une puissante convection sur le flanc droit de la cellule en formation.
3 minutes plus tard...
Cumulonimbus naissant dans une atmosphère très instable.
Le responsable d'une telle vigueur aussi soudaine qu’impressionnante dans la convection fut un petit front qui a suffit à faire sauter l'inversion dans ces lieux. Cela dit, quelques orages monocellulaires éclatèrent aussi ailleurs dans le pays et cela en arborant toujours une structure des plus esthétiques. Pour notre part, on continua a réaliser notre véritable première moisson de photographies de la journée et aussi de prises de vues vidéos. Je pu ainsi faire un timelapse plutôt attrayant de la cellule explosive précédemment décrite dont voici encore deux photographies en format portrait. De plus, la fin de journée offrait des couleurs très somptueuses au sein de la masse nuageuse.
Vue rapprochée sur la colonne ascendante.
La même colonne ascendante quelques minutes après.
Une petite dizaine de minutes passa lorsque l'on vit une nouvelle convection se mettre en place à droite de la précédente colonne ascendante. Bref, c'était plus que clair que la convection profonde et durable avait bel et bien démarré.
Les arêtes nettes trahissent la forte instabilité présente.
Lorsque l'on s'est retourné vers l'ouest, on a pu admirer un magnifique système multicellulaire se former et prendre la direction de la France, on observa quelques coups de foudre et on alla même jusqu'à Willerzie dans le sud de la province de Luxembourg qui offrait un beau panoramique vers les forêts ardennaises françaises où sévissaient ces orages.
Sommets de deux cumulus congestus entourés par les enclumes des orages aux alentours.
Il était environ 19h30 et on se disait que l'on ne devait plus attendre beaucoup de choses au niveau de l'activité de ces cellules, il est vrai que devant des structures pareilles, on avait dû mal à vouloir se déplacer vers le centre d'action car les prises de vues en timelapses étaient vraiment uniques et il fallait donc choisir ce qui était bon de faire. De plus, l’ambiance du soir offrait des tons plus idylliques pour les images.
Cela dit, lorsque l'on reprit la route, j'ai vu quelque chose de suspect s'opérer vers la région de Mogimont à l'arrière des cellules françaises et j'ai proposé à Samina d'y jeter un œil avant de rentrer chez nous. Elle n'était pas réjouie à l'idée d'encore passer du temps dans la région car elle était épuisée par la maladie et je dois dire que c'était mon cas aussi mais à l'idée de tomber sur une surprise, j'avais trop envie de savoir ce qui allait se tramer là-bas.
Alors tout commença avec ce genre de paysage...
Cumulus congestus en croissance rapide.
En évoluant quelque peu...
Cumulus congestus en croissance très rapide...
Pour donner...
Système multicellulaire en phase de formation.
On peut dire que la convection fut si rapide que l'on fut clairement impressionné par celle-ci. On pouvait même observer une convection au niveau de l'enclume naissante de l'une des cellules du système multicellulaire devant nous.
Enclume naissante au-dessus d'une cellule composant un système multicellulaire.
D'autres photographies s'ensuivirent au fur et à mesure de l'évolution du système...
Système multicellulaire en phase de maturation.
Système multicellulaire créant de nouveaux nuages convectifs à l'avant.
De belles structures accompagnées par un soleil allant doucement se coucher s'étaient donc offertes à nos yeux, seulement, le système lui-même se trouvait apparemment trop loin par rapport à sa vitesse de déplacement pour nous atteindre en étant encore en phase de maturation... Cela désespérait Samina qui espérait depuis un moment goûter à de l'activité convective comme de fortes précipitations, des rafales convectives ou encore des chutes de foudre. Il est vrai que les évènements offerts durant la supercellule du 10 septembre sont loin et que l'on était plutôt friand de revivre une bonne activité énergétique... Là-dessus, je filmai le soleil couchant, non seulement parce que celui-ci était particulièrement photogénique mais aussi pour trouver le moyen de faire passer le temps et de ne pas partir de suite comme le désirait Samina car je pressentais le sentiment que nous partirions bien trop tôt surtout en voyant la convection qui s'opérait devant le système multicellulaire...
Convection sur le flanc du système multicellulaire.
Convection explosive dans les environs immédiats des anciennes cellules.
Lorsque le soleil se coucha et que je vis un cumulus congestus former une enclume au-dessus de nos tête, j'ai dis à Samina, "Voilà un congestus qui va essayer d'être un orage". Car jusque là, l'activité foudre n'a pas été des plus présentes sous les cellules vu les cartes de détection (tout juste bien modéré) et on ne s'attendait certainement pas à ce genre d'activité à cette heure là vu tout ce qui avait dû être consommé au niveau de l'instabilité. Quant aux autres phénomènes, la nuit tombante les aurait de toute façon rendus impossible à immortaliser. On regarda quand même attentivement vers la base de cette nouvelle cellule quand soudain, un superbe double coup de foudre vint déchirer le ciel crépusculaire...
Là-dessus, Samina et moi-même nous sommes regardés pour se dire "Heureusement que l'on est resté !!!" En effet, on est peut-être bien resté là pendant une heure sans qu'il y ait eu quelque chose qui se passe depuis la formation du système multicellulaire précédemment décrit jusqu'ici et il fallait vraiment un fort pressentiment pour rester là alors que nous devions tous les deux travailler le lendemain sans s'être réellement reposé de notre maladie.
Il s'en est suivi une pluie de coups de foudre aussi puissants au niveau de la luminosité qu'au niveau du son, de sorte que ce fut réellement un "thunderstorm" car les coups de tonnerre étaient plus forts les uns que les autres. De plus, les coups de foudres souvent simples en photos étaient en fait doubles voire triples en vidéo, l'appareil photo déclenchant avec une cellule détectrice en prenait que l'un ou l'autre membre des différents groupes qui s'offraient à nous.
Bien sûr, pas mal de coups passèrent à côté car nous avions affaire à un nouvel orage multicellulaire né tout juste dans notre position et s'avérant être le seul actif à cette heure là (il était environ 21h20) comme peu en témoigner la carte radar des précipitations et celle de détection de la foudre, toutes deux affichées ci-dessous.
Après avoir essuyé près d'une centaine de coups de foudre par salves et des coups de tonnerre d'une puissance mémorable, on pouvait qu'être extrêmement satisfait de cette traque et surtout du fait que l'on eu la bonne idée d'attendre un peu sur les lieux dans l'espoir de voir l'inattendu.
Voici à présent le lien vers court métrage illustratif de cette traque qui s'avère rejoindre sans rougir le top 3 des meilleurs films de notre production, à savoir, l'orage monocellulaire à pulsation du 04 juin 2011 de Tohogne, la supercellule du 10 septembre 2011 de Boekhoute et maintenant, l'orage multicellulaire électrique du 24 mai 2012 de Mogimont. En plus de coups de foudre aux coups de tonnerre détonants, la convection très profonde s'étant opérée dans un environnement chatoyant permis aussi de réaliser des images qui n'existaient souvent que dans les rêves du caméraman que je suis.
Pour voir la vidéo, je vous invite à vous rendre à l'adresse suivante :
Orage multicellulaire électrique du 24 mai 2012Pour ceux qui possèdent une bonne installation audio, faites vous plaisir et branchez le film sur celle-ci, les coups de tonnerre risquent bien de faire croire qu'il y a de l'orage aux voisins 8-)