Le week-end dernier et la semaine qui a suivi ont été bien agités sur le plan des orages grâce à la première masse d'air réellement chaude et humide de la saison. L'occasion de faire le plein de sensations et d'images, dont je termine enfin le traitement.
Ce sujet s'articule sur deux périodes distinctes : d'abord celles des orages dynamiques du week-end de Pentecôte à la faveur duquel j'ai sillonné pendant 4 jours les routes de Gironde et Charente, puis la fin de semaine ou la dynamique s'estompe totalement, sans empêcher une instabilité croissante autour de Toulouse avec pour point d'orgue vendredi.
6 au 9 juin : Orages dynamiques en Gironde et CharenteAu premier jour de cette longue dégradation orageuse, je file direction Bordeaux pendant que les premières cellules éclatent déjà sur Pays Basque, dans une ambiance bien chaude qui titille pour la première fois les 30°C. Les orages seront assez actifs sur le Béarn et les Landes, mais vont s'essouffler un peu en atteignant la Gironde au crépuscule, seule une petite cellule reste active au sud-est immédiat :
En voyant la tournure des événements, je prends un peu d'avance en remontant vers le nord, l'activité se présente essentiellement sous forme de long éclairs rampants, typique d'un système en fin de vie, qui d'ailleurs ne tarde pas à se dissiper complètement :
Je reste confiant car la plupart des modèles sont formels pour une réactivation en deuxième partie de nuit, la convergence formée au large ayant tendance à s'approcher des côtes. J'en profite pour un repositionnement au dessus du marais Charentais et quelques heures de sommeil léger. En effet je fais bien de ne fermer qu'un oeil car sur les coups de 3-4h, quelques flashs à l'horizon sud-ouest me tirent de mon sommeil. C'est un défilé de petites cellules d'étage moyen qui remonte depuis le Golfe.
Certaines présentes des jolis bases ondulées, typiques de ces orages élevés :
L'aube arrive progressivement, et alors que les moustiques étaient déjà très voraces, ils se multiplient pour former un énorme nuage vrombissant qui n'épargne que peu de recoins de ma peau ... Cela mis à part, l'ambiance est fabuleuse avec la petite brume qui flottent en bas et le concert de grenouilles et autres bruits sauvages.
Quelques cellules tiendront jusqu'aux premiers rayons du soleil, avant de faire place au beau temps chaud.
Je me repositionne en cours de journée au sud du Bordeaux, après un petit point sur les dernières sorties des modèles. Malgré le flux de sud-ouest qui reste bien présent en altitude, les forçages pratiquement inexistants laissent planer le doute quant à la formation des orages en fin de journée ... Effectivement, les heures sont longues, j'en profite pour flâner en forêt landaise et observer les quelques cumuls poussifs qui n'ont aucune chance de grimper, malgré l'instabilité potentielle importante.
Finalement, en soirée une ligne se forme timidement au large à l'étage moyen, avant de s'activer à une vitesse qui me surprend un peu en rentrant dans les terres. Je remonte vite au nord de Bordeaux, en voyant depuis la route une superbe base noire avec une partie un peu circulaire sur le rebord est. Bien qu'à base élevée, la convection prend une organisation typée supercellulaire. A l'arrière de la cellule, les bourgeonnements encore éclairés par le soleil couchant se détachent magnifiquement sur le ciel bleu :
Pendant ce temps-là, une nouvelle cellule se présente déjà au sud de l'agglo bordelaise :
Avec la nuit qui tombe, les flashs intranuageux deviennent assez nombreux :
La structure est moins claire que sur la précédente, mais la base dense et un peu rugueuse est très esthétique :
Tout comme celle d'avant, à l'arrière, c'est un beau chou-fleur qui se détache sur le ciel nocturne, illuminé de l'intérieur :
Je remonte ensuite un peu sur la Charente pour observer de nombreuses cellules qui se forment toute la nuit, en restant isolées, avec à chaque fois un beau bouillonnement illuminé par les flashs :
Au bout d'un moment, la fatigue l'emporte même si l'activité est toujours là. Je me ferai réveiller à l'aube par des éclairs et grondements au zénith, rapidement suivis par le bruit de la grêle qui crépite sur la carrosserie !
Pour ce dimanche 8 juin qui s'annonce encore un cran au dessus, Dorian me rejoint en milieu d'après-midi sur Bordeaux. S'ensuit une interminable attente où nous avons tout loisir de suivre en long en large la formation des supercellules en région parisienne. On commence à se demander si on n'aurait pas mieux fait de remonter là-bas, ce qui était une de nos options ...
Finalement, ce sera sur les coups de minuit que l’initiation aura lieu, à nouveau au large. On remonte immédiatement le long de la Gironde, où les premiers flashs ne tarderont pas à se montrer :
Très vite on voit se dessiner au radar deux organisation supercellulaires, et on comprend qu'il va nous falloir filer vers l'est si on veut intercepter la plus au sud. On s'arrête juste après Gémozac, où la cellule approche déjà, avec une structure sans équivoque !
L'activité électrique est évidemment soutenue, mais ce qui nous intéresse le plus c'est ce qu'il se passe en bas, sous les stries menaçantes ...
Je suis déjà un peu inquiet par rapport à ce que nous réserve ce monstre, quant j'aperçois un flash vert qui vient du sol et se reflète dans l'abaissement nuageux, typique d'une rupture de ligne haute tension. Nous avons la confirmation que l'orage est violent ...
On file donc sans attendre que la chose soit sur nous. L'idée est de la devancer en prenant la route de Cognac, mais même en tenant une vitesse assez déraisonnable (il est 3h, les routes et les villages sont vides), on n'arrive à peine à maintenir notre distance de sécurité sans parvenir à gagner de terrain. J'avoue que j'ai rarement été autant angoissé pendant une chasse à l'orage. Finalement, en ratant l'entrée de la rocade de Cognac, les premières gouttes arrivent. Je croyais avoir encore une chance mais Dorian douche mes derniers espoirs en voyant les premiers grêlons au loin à la lueur des lampadaires. Repli d'urgence dans une station service qui se trouve miraculeusement juste en face ! Ça commence avec quelques bons grêlons sans excès (2-3 cm), de la pluie et de bonnes rafales, mais en fait très vite, l'orage arrive vraiment. Et là, c'est une implacable bourrasque accompagnée de trombes d'eau qui balaye toute autour de nous; la voiture est secouée comme un fétu de paille, des panneaux volent à droite à gauche. On apprendra que la station MF de Cognac distante de 2 km à relevé une rafale à 130 km/h à ce moment là !
On ne perd toutefois pas notre temps dès qu'il y a un signe d'accalmie pour observer l'arrière de l'orage. On se replace toute en slalomant entre les débris, branchages, tuiles qui jonchent le sol pour voir ce spectacle à couper le souffle. L'activité électrique dans la colonne principale est hallucinante, environ 2 à 3 éclairs par secondes entre les internuageux et le canaux qui sortent un peu à l'arrière :
L'aube se lève doucement et dévoile l'enclume gigantesque, autre signe de la puissance de cet orage :
Le lendemain lundi, très prometteur sur le papier ne donnera finalement pas grand chose d'autre que des orages flotteux en étalement rapide sur les contrées du sud-ouest.
12 au 13 juin : Orages estivaux entre Gers et AudeLe deuxième volet de cet épisode se déroule dans une ambiance très différente. La masse d'air en surface s'est repliée sur le sud de la France, notamment le sud-ouest ou les points de rosée s'envolent à nouveau au delà de 20°C. En revanche, l’atmosphère est devenue très calme en altitude, sans flux ni forçages, pour donner une situation de marais barométrique typique de l'été.
On tentera une persistance des orages de la journée sur le Gers le jeudi soir, mais pendant que quelques flashs étaient visible au loin sur les Pyrénées, seul un petit monocellulaire arrivera à germer au clair de lune, sans donner la moindre activité électrique :
Le lendemain le flux de surface commence à tourner un peu au nord-ouest, et ramène tout l'air chaud des plaines vers les reliefs du piémont pyrénéen et languedocien. Dès l'après-midi, de nombreux orages éclatent sur le Tarn et l'Aude, mais s'évacuent vite sans organisation vraiment intéressante. A l'arrière de ces cellules, j'observe de nouveaux développements sur le Toulousain dans la lumière du soleil couchant, je décide de me rapprocher un peu :
L'orage semble déjà actif, mais une nouvelle poussée se forme à l'avant, dans une belle lumière bleu-rose :
Le rideau commence à être vraiment dense, sans que l'activité électrique ne sorte. Curieusement, quelques vortex locaux se forment en bordure de la base, presque au zénith.
Cette cellule glisse vers les Pyrénées, et deux nouvelles descendent de la Montagne Noire vers la plaine, l'une vers Carcassonne et l'autre vers Castelnaudary tout en commençant à donner des impacts de foudre assez esthétiques.
Côté Carca :
Côté Castelnaudary :
Et le point d'orgue de la soirée !
Finalement, tout s'évacue vers les Pyrénées, en déversant des pluies torrentielles.
Pour celles et ceux qui ont suivi jusque là, vous pouvez aller voir pour compléter le time lapse que j'ai monté avec les différentes séquences prises au cours de cette période :
https://vimeo.com/98261905:fleure: