Bonjour à tous,
D'abord une première chose, j'ai pas pu répondre au sondage : formulation pas assez détaillée.
Pour ou contre cette manière-là de faire la grève ? Pour ou contre le principe même de faire grève quel que soit le projet gouvernemental en cause ? Pour ou contre cette grève en rapport avec le dit-projet (cad en clair pour ou contre le projet de réforme des retraites) ?
Y en a des questions à se poser à mon avis avant même de répondre à ce sondage.
Perso, cette situation tendue m'a fait réfléchir.
A priori, je serais plutôt pour dans la mesure où toute grève résulte d'un manque de prise en considération d'un point de vue. Et donc d'un manque de démocratie... de la part du gouvernement. Dans cette optique-là, il faudrait d'abord rechercher les raisons profondes qui dressent bon nombre de Français contre les grèves. Pour beaucoup, je gage qu'il n'y a aucune raison collective, seulement des raisons individuelles : en clair, la rage de ne pouvoir prendre les transports en commun, ou aller en cours à la fac. Regardez les gens interrogés à la télé et écoutez leurs paroles : combien d'entre eux disent "nous" en parlant des usagers ? La plupart du temps, c'est "je". "Je ne peux pas faire ci" , "je ne peux pas faire ça", "je", "je" et encore "je"... Si évidemment on peut comprendre la situation très difficile dans laquelle ils se trouvent, on ne peut pas faire de ces "arguments" un paramètre politique.
Alors cette rage et cet individualisme peuvent-ils se justifier par d'autres raisons plus collectives ? Peut-on justifier le manque de solidarité ?
C'est là par contre que j'ai modifié quelque peu ma position. Si la grève émane d'une minorité on peut en effet -au moins en théorie- parler d'un manque de démocratie. Dans ce cas-là la question se pose au sujet des manières musclées de faire grève contre l'avis d'une majorité qu'on prend en otage : qu'on l'approuve ou non le manque de solidarité est évident, et les grévistes devraient s'assouplir afin de faire comprendre davantage leurs motivations, tout tenter avant de lancer la grève (on a mis en place des procédures de conciliation en cas de désaccord dans les entreprises publics et privées pour tenter de désarmorcer les conflits), et si conflit il y a, trouver d'autres moyens d'expression aussi efficaces que la grève sans les inconvénients. Pourquoi pas par ex encourager les contrôleurs SNCF à faire la grève en solidarité avec les cheminots, ce qui rendrait la grève infiniment plus populaire, pendant que les cheminots, eux, assureraient un service juste un peu plus réduit pour leur permettre de négocier ?
Maintenant, je suis prêt à admettre qu'il y ait des réformes à faire mais franchement qu'on arrête de brandir le mot "privilégiés" à tout bout de champ.
Dans ce conflit les gens se divisent, une partie de la France se dresse contre l'autre, c'est ça surtout qui est lamentable. Le problème est-il vraiment les privilèges des uns, et non pas plutôt les atteintes de plus en plus graves aux droits de ceux qui bossent dans le privé, qui font apparaître comme des privilèges des droits pourtant tout à fait corrects ? Parmi tous ceux qui bossent dans le privé, lesquels se priveraient de faire grève s'ils étaient sûrs que ça ne leur porte pas préjudice ?
On devrait tout mettre en oeuvre pour d'abord faire en sorte que les Français retrouvent leur solidarité, regardent au-delà de leurs intérêts personnels que ce soit d'un côté ou de l'autre, et pour cela, il faudrait de l'ouverture, des moyens de se faire comprendre qui tiennent compte des uns et des autres.
Parce que pendant que la France se déchire, les VERITABLES privilégiés, eux, ne sont pas inquiétés le moins du monde.
Vous vous dites apolitiques, et même de gauche. Je peux en dire autant. Je ne suis affilié à aucun parti.
Mais sincèrement, faut-il être obligatoirement de gauche pour trouver indécent l'augmentation que s'est généreusement octroyée Sarkozy ? Si vraiment c'était le cas, alors je cesserai définitivement d'avoir confiance en l'intelligence humaine et en notre capacité de recul sur les choses. Je pourrais être de droite, adhérer à l'UMP ou n'importe quel autre parti de droite classique en considérant que notre pays a besoin d'une politique de rigueur applicable à tous. C'est tout à fait concevable, mais ça ne m'empêcherait pas de me dire ceci : la relation des gouvernants à leur peuple est semblable en beaucoup de points à celle qui lie les parents à leurs enfants. Si dans le cadre d'une telle relation, la justification de l'autorité apparaît évidente tout autant que celle du dialogue, imagineriez-vous des parents imposant des règles de vie strictes à leurs enfants et menant eux-mêmes une vie de patachon ? Comment croiriez-vous que réagiraient leurs enfants ? Imagineriez vous un prof la clope au bec interdisant à ses élèves de fumer ?
Voilà ce qui se passe en France depuis des décennies. Au-delà de ce qu'on nous en dit tous les jours, je ne sais pas si les grèves des cheminots et des étudiants sont justifiées. J'ose le dire. Je ne sais pas. La politique est un domaine où personne ne peut se targuer d'avoir toutes les données en main, et où tout le monde se permet d'affirmer et contredire. Moi je ne sais pas donc.
Mais s'il y a une chose qu'on perçoit depuis belle lurette, c'est la perte totale de confiance des Français vis à vis de leurs politiques qu'ils soient de droite ou de gauche. Regardez Trudeau il ya quelques décennies (je crois que c'est lui) qui avait imposé au Québec une politique extrêmement rigoriste. Ces réformes sont passées sans problème parce que le gouvernement a vraiment donné l'exemple, et suscité la confiance de son peuple.
Je sais que le Français est individualiste de nature, et enclin à l'opposition systématique (apanage de toute opposition à la française qu'elle soit de gauche ou de droite). Mais est-on sûr de ne pas confondre la cause et la conséquence ? Même si tendance naturelle il y a, le comportement régalien de nos gouvernants successifs a engendré un manque de confiance chronique, lequel génère l'opposition systématique, et donc les discours et réponses formatés ==> résultat, on tourne en rond depuis des décennies.
Voilà à mon avis, bien au-delà d'une loi, la raison profonde de toutes ces grèves. Et au-delà même des problèmes sociaux ou économiques, LE problème majeur de la vie politique française qui bloque toute tentative de réforme.
Hier soir chez Ruquier, deux étudiants, l'un de l'UNI et l'autre communiste, n'ont fait que s'opposer durant toute l'émission. Entre les deux, il y avait Pierre Perret qui avec une grande sagesse, a fini par leur dire : "mais pourquoi ne pas vous entendre pour faire face à cette situation assurément difficile ? Pourquoi vous diviser au lieu de vous unir, alors que vos aspirations, au fond, sont les mêmes ? " Les deux étudiants se sont retrouvés tous cons face à ce genre de discours auquel ils n'étaient plus habitués, tellement conditionnés qu'ils étaient l'un et l'autre dans leurs attitudes d'opposition.
Avec cette dernière interrogation, je termine mon message ayant d'autres obligations.
Ps : ah juste une chose. Henri parlait des cheminots, et Hervé juste au-dessus parle de réalisme.
Hier à la télé, un cheminot expliquait justement ceci : à 60 ans, vu les conditions de travail très dures d'un conducteur de locomotive, le risque d'accident augmentait sensiblement, et donc le risque de catastrophe. Exemple parmi d'autres certainement.
Tu vas bien voir ce que vont te répondre les cheminots Henri.