Pour clôturer cette longue période de temps chaud et instable, déjà évoquée dans un
précédant sujet, les conditions atmosphériques ont drastiquement évolué : l'arrivée d'un talweg sur l'Atlantique a permis de booster et d'organiser les orages, qui s'annonçaient d'ores et déjà puissants plusieurs jours à l'avance.
La situation se met en place dès jeudi, situation que j'observe attentivement depuis Toulouse par images radar interposées, et via les nombreux comptes-rendus des passionnés bordelais. En effet, chose assez rare, la synoptique n'évolue pratiquement pas sur 24h et la situation du lendemain s'annonce sur les modèles quasiment identique à celle du jeudi.
26 juilletVendredi, me voilà sur le pied de guerre, je file vers Bordeaux dès la fin d'après-midi, pour arriver peu après je coucher du soleil. Après quelques hésitations et vérifications sur l'évolution de la situation, j'opte pour le nord de l'agglo au spot de Bayon-sur-Gironde où je croiserai autan81 et d'autres passionnés. Les cellules s'activent déjà fortement sur la côte atlantique et avant même d'arriver, les enclumes sont déjà largement étirées dans le ciel et laissent apparaître de très longs éclairs rampants à l'intérieur des mammatus, très éloignés du noyau dur de l'orage. C'est ce type d'activité que l'on peut observer pendant encore un moment sur place :
De temps à autres se manifestent également quelques impacts de foudres dispersés à mesure que le système s'approche en s'organisant :
C'est alors que l'on s'aperçoit progressivement qu'une structure striée se dessine à l'horizon sud-ouest ...
Les minutes suivantes confirment nos impressions, un bel arcus apparaît de mieux en mieux à la lueurs des flashs qui gagnent en cadence !
Les impacts restent rares et parfois très intenses ce qui rend leur capture correctement exposée difficile, certains traversent les nombreuses couches de la bête
Plus l'arcus approche, plus sa structure se montre massive et menaçante, on sent bien que ça risque de bouger là-dessous
Les derniers instants deviennent réellement angoissants avec quelques flashs très vifs qui surgissent presque au dessus de nos tête et brutalement de grosses rafales qui se lèvent, balayant le paysages et les chasseurs d'orages qui se replient dans les voitures
Juste avant l'arrivée de la pluie, les plus grosses rafales secouent vraiment fort, j'estime plus de 100 km/h. On apprendra que 20 km en aval sur la rive gauche, le village de Pauillac essuiera des rafales de 160 km/h avec un effondrement de son clocher !
Notre placement par rapport aux orages à ce moment-là correspond à peu près la position de la flèche cette image radar :
Juste avant le noyau dur de la pluie, je décide un décalage vers l'est pour tenter de se replacer à l'avant de la pointe sud-est du système. Cuisante erreur, car je me retrouverai au bout d'une dizaine de kilomètres sous des conditions dantesques : pluies diluviennes, fortes rafales et par la suite routes saturées d'eau, nombreuses branches au sol, quelques arbres également et poteaux téléphoniques. Une fois sorti de la masse, je me rends compte qu'une nouvelle cellule arrive par Bordeaux et se dirige à nouveau vers Bayon, j'imagine le spectacle là-bas mais il est trop tard pour y retourner, et je raterai de
superbes impacts ramifiés !
Côté est, j'observerai alors le passage de cellules secondaires avec quelques impacts de foudre très puissants à impulsion unique, avec un tonnerre ébranlant tout le paysage :
Ce sera le clap de fin de cette première journée.
27 juilletCe samedi, la situation est prévu se décaler de l'Aquitaine vers Midi-Pyrénées. Je vise l'est d'Agen en début d'après-midi où je peux observer dans un air particulièrement chaud et humide quelques cumulus dont le développement reste bloqué dans un premier temps.
Puis vers 16h on peut voir les signes de la convection profonde qui se met en place, avec des sommets bien nets qui commencent à monter à toute allure. Une première cellule se déclenche au nord de Valence d'Agen et semblent immédiatement propice à devenir très intense :
Placé au sud immédiat, les forts cisaillements induisent de grosses turbulences à la racine de l'alimentation
Cette cellule déversera des grêlons de la taille d'une balle de tennis sur Tournon d'Agenais. De ce que je peux voir cependant, elle s'evacue très vite vers le nord, emportée par le flux. D'autres la relaient en se formant plus au sud-est. Mon idée était de remonter le long de la vallée de la Garonne pour voir les cellules se former au fur et à mesure, mais je me rends compte qu'elle ne gagnent en intensité qu'une fois bien entrées dans le Quercy. Décisions risquée, je tente coûte que coûte de remonter vers le NE quitte à emprunter beaucoup de petites routes. A ce moment-là démarre un long jeu de chat et de la souris avec la ligne d'orages, avec successivement une cellule qui me passe devant, avec pluie, vent foudre, puis j'arrive à regagner les bases plus à l'est pour quelques minutes avant qu'une nouvelle cellule ne passe ... etc. De fil en aiguille, je me retrouve à Caussade juste après avoir vue une belle structure type arcus de côté, avec un timing à chaque fois trop juste pour avoir le temps de la prendre en photo. Voyant que de nouvelles cellules se forment au sud, je file direction Caylus, puis Parisot et enfin j'oblique vers Najac où je me souviens connaître un bon point de vue. Cette fois j'ai réussi à bien reprendre de l'avance, et à peine arrivé, je me retrouve face à une magnifique cellule qui gagne en puissance !
Je déballe le matériel à toute vitesse devant cet arcus verdâtre avec déjà de nombreux impacts de foudre visibles à l'avant !
L'orage d'allure monstrueuse engloutit le paysage en filant droit dans ma direction, je comprends vite que je ne vais pas y couper, cette fois non plus !
L'ambiance est nettement assez sombre pour pouvoir enchaîner des poses assez longues et prendre ces impacts qui pilonnent le paysage. C'est alors que l'un d'entre eux viendra, bien plus près, à environ 500m, emplissant l'ensemble de l'image pourtant cadrée à 10 mm !
Replis stratégique immédiat dans la voiture pendant que l'appareil continue de tourner dehors. Il peut prendre la foudre, ça me dérange moins que sur moi !
L'orage approche alors assez rapidement, le paysage disparaît de minute en minute ...
S'ensuit alors un mémorable déluge accompagné de rafales tempétueuses qui font trembler la voiture comme une feuille morte. J'ai tourné une courte séquence video que j'essayerai de poster dès que possible avec le time-lapse complet de l'arrivée de l'arcus. Je n'en mène franchement pas large d'autant que la grêle débarque par la suite, de plus en plus grosse et m'oblige à me replier en catastrophe à l'abri d'un mur des constructions en contrebas.
Je constate après le passage de cette infernal machine à laver un petit arbre et un poteau téléphonique à terre sur la route de crête juste au dessus. Juste après être passée, le radar montre le fameux "pixel blanc" à l'intérieur de cette cellule qui occasionnera des dégâts considérables 10 km plus au nord-est : arbres coupés en 2, toitures arrachées, mur en pierre abattu ...
Je ne reste toutefois pas sur place car de nouvelles cellules continuent de se former dans cette increvable ligne. A nouveau, de gros déluges, beaucoup de foudres mais les routes qui m'approchent d'Albi, trop sinueuses me font prendre du temps et je ne parviens plus à me placer confortablement. Jusqu'à la tombée de la nuit ou la ligne semble ralentir, j’atterris sur les hauteurs de l'est d'Albi à la frontière Tarn-Aveyron où une ligne nocturne va s'activer avec une activité électrique stupéfiante. Pas tellement photogénique car l'activité est essentiellement noyée, mais l'ambiance est stroboscopique et les coups de canons à répétition font penser à un véritable bombardement.
Je pourrais l'observer s'éloigner lentement vers l'est avec des flashs incessants pendant encore un bon moment ...
Cela clôturera cette deuxième journée d'orages mémorables.
Le dernier volet se déroulera dimanche soir, admirablement capturé par les voisins méditerranéens, mais loin pour ma part ...
Edit 31 juillet :
Voici la courte vidéo de l'orage de Najac, avec time-lapse de l'arrivée puis l'ambiance "machine à laver" à son passage. Même si le rendu est de qualité médiocre, on se rend assez compte des conditions que ce soit avec l'image ou le son. Enfin, c'était surtout vrai avant la compression, heureusement c'est en HD !
https://vimeo.com/71444061