En ce début de saison, je me dis qu'il serait sympa que je revienne sur l'une des traques les plus mémorables depuis que l'on a commencé à observer les orages sur le terrain. Ce fut un certain 10 septembre de l'année 2011, alors que la fin de saison se faisait sentir dans l'esprit, rien ne présageait la venue de l'orage convoité si ce n'est un risque très présent qu'une formation de ce genre puisse prendre. Mais entre les risques et la réalité, il y a une différence, différence qui fut réellement nulle durant cette soirée à marquer d'une pierre blanche.
Sans plus attendre, voici le récit de ce que l'on espère encore rencontrer prochainement et pourquoi pas, cette année
Le samedi 10 septembre 2011 était donc certainement une journée où l'on pouvait s'attendre à observer des éléments intéressants au niveau des orages mais j'avoue que les phénomènes qui se sont présentés durant cette journée ont largement dépassé mes espérances...
Au début de la journée, je consultai les modèles pour tirer des conclusions sur le potentiel de la probable offensive orageuse de la fin d'après-midi, début de soirée. Si les modèles comme WRF et GFS étaient confiants concernant un effondrement de l'inversion durant la soirée, je restai prudent quant à la survenue d'un spectacle kéraunique dans les Flandres. Après avoir eu Jean-Yves, notre prévisionniste de Belgorage, au téléphone, qui confirmait le haut potentiel d'avoir de bons orages couronnés par le risque très présent que l'un ou l'autre d'entre-eux présente des caractéristiques supercellulaires, j'entrepris, avec Samina, les éléments prévus de la journée, c'est à dire, un fignolage de la compilation de fin de saison 'Âmes du Temps' et le bouclage de l'animation de notre logo.
Enfin, lorsque 16h arriva, on se dît qu'il était temps de partir vers les Flandres étant donné que les modèles WRF de Kéraunos et de météociel voyaient arriver les orages à partir de 18h environ. Comme on aime bien les voir pousser avant qu'ils n'entrent dans leur phase de maturation, on fila vers le nord-ouest même si les cartes satellites ne présentaient absolument rien. Samina et moi-même sachions que nous étions dans une atmosphères de "ça prendra ou ça ne prendra pas et que si ça prend, ça fera "boum"", donc, la meilleure des stratégies était de viser un lieu qui devait s'avérer être peu éloigné du centre d'action... C'est alors que la charmante région de Boekhoute dans le nord-ouest de la Belgique fut choisie surtout que nous possédons l'un des seuls points de vue à 360° des Flandres là-bas, les autres étant noyés dans le maïs à ce moment là...
Avant de prendre la route, j'appelai Jean-Yves pour lui donner l'état du ciel vers 16h vu qu'il me l'avait demandé. Ayant l'habitude de blaguer un peu avec notre prévisionniste, je n'hésitai pas de lui dire qu'un orage supercellulaire était entrain de transiter dans les Flandres mais, comme d'habitude, il savait bien que je disais n'importe quoi juste pour essayer de le titiller. N'empêche, je n'imaginais pas voir mes blagues prendre des allures de réalités quelques heures plus tard...
Lorsque j'arrivai avec Samina à Boekhoute, le ciel était idyllique... pour toutes personnes aimant le beau temps
Car il n'y avait pas grands choses d'orageux mais, par contre, il y avait énormément d'éléments pré-orageux. En effet, virgas, altocumulus castellanus avec mammatus, altocumulus en moutons etc couvraient le ciel en grande partie, dénotant une instabilité significative dans les couches moyennes de la troposhère. Cela nous encouragea à regarder la carte Sat24 qui ne donnait rien de très consistant vers 18h...
Crédit photo : Samina Verhoeven
Cependant, un petit coup d'œil vers l'horizon sud-ouest nous attira l'attention car des développements convectifs se formèrent en groupe, seulement, malgré leur taille visuellement imposante, on ne distingua rien de particulier sur la carte Satellite, on en tira la conclusion que les nuages d'altitude devaient "masquer" ces formations convectives. On surveilla donc avec attention ces développements qui ne tardèrent pas à m'étonner puisque j'observai que la durée de mes 'timelapse' s'avérèrent d'une durée étrangement courte...
Crédit photo : Samina Verhoeven
En effet, en visant les cumulus avec la caméra, on voyait pertinemment que certains d'entre-eux explosaient littéralement.
Par chance, j'obtins des "explosions" juste dans le cadre de la machine. Celles-ci étant souvent matérialisées par des cumulus congestus qui défonçaient littéralement les nuages d'altitudes en créant des pileus au passage (l'un d'entre-eux est d'ailleurs présent dans le film). Vers 18h20, je regardai la carte satellite qui ne révèla toujours rien de particuliers, je décidai donc de laisser tomber le suivi sur pc pour me concentrer sur le "live". Lorsque certains cumulus congestus dépassèrent les nuages d'altitudes, on ne pouvait plus distinguer le sommet de ceux-ci, ce dernier étant noyés dans les nuages d'altitudes.
Dès lors, Samina et moi-même nous dîmes "C'est maintenant que l'on doit supposer que la couche d'inversion est percée ou pas" Cette remarque était de mise car on observait également des cumulus qui s'effondraient... Cependant, parmi ceux qui visiblement firent sauter le couvercle de l'inversion, deux cumulus congestus grossirent en largeur à une telle vitesse qu'ils ne tardèrent pas à se confondre tous les deux. À ce moment là, il devait être 18h40, le suspens était à son comble puisqu'on ne voyait rien en altitude. Cependant, vers 19h, alors qu'une base sombre se présente au sud-ouest, un étalement important s'en va depuis cette base jusqu'au nord-est. Au moment où on se dit "Tiens, on entendrait bien des coups de tonnerre maintenant vu l'ambiance", il ne fut pas attendre longtemps pour les voir surgir... En effet, cette journée a été faite de circonstances et de hasards peu communs d'ailleurs le suivant est l'un des meilleurs...
Crédit photo : Samina Verhoeven
Lorsque les coups de tonnerres commencèrent, on fut très heureux car c'était la preuve que l'inversion avait cédé mais, par contre, un marchand de glace faisant fonctionner intempestivement sa musique me faisait réellement ch...
car il détruisait mon enregistrement des coups de tonnerre. Sur le coup, j'espérai qu'une bonne chute de grêle lui tombe dessus afin de lui rafraîchir les idées
et de lui ôter l'envie de vendre des glaces dans la région...
Plus tard, lorsque le système s'avança, Samina et moi-même regardions la base sombre se structurer en un semblant d'arcus, sur le coup, on rouspéta légèrement en se disant que le bel arcus, dont la vision était encore assez encombrée par des peupliers, allait passer à côté de nous vers le sud et que nous aurions que les autres cumulonimbus qui devaient se trouver à la droite de cette base (on déduisit cela car nous voyions quelques débuts de précipitations à la droite), au dessus de nous, nous apercevions l'enclume qui ne cessait d'être illuminée.
Crédit photo : Samina Verhoeven
Après une petite analyse, je me demandai tout de même comment cela se faisait-il que l'activité électrique était si intense, car continuelle et très fréquente, dans l'enclume. Ce qui était tout de même pas très habituel à l'avant d'un système multicellulaire ne semblant pas très opérationnel... Plus tard, lorsque l'arcus avança pour se dévoiler peu à peu, je fut intéressé de filmer l'arrière de celui-ci où l'on pouvait voir des fractus affluer, dans le même temps, je voyais un prolongement timide se former perpendiculairement à celui-ci devant les précipitations. Cela me fit dire qu'on aurait un petit lambeau face à ce qui passera plus au sud... En observant davantage les fractus affluer, je vis distinctement une absence de précipitations. C'était le top car là où ça précipitait à droite, il n'y avait quasiment rien alors qu'à gauche, c'était dément sans précipitations. Bon, il fallu quand même que cet arcus s'approche encore pour que je daigne enfin de mettre mes idées en place...
En effet, de manière étonnante, celui-ci se rapprochait de nous plutôt que de passer au sud mais, en même temps, la direction générale des nuages était incohérent puisque venant un peu de tout sens, de sorte que nous observions les nuages défiler du sud au nord au dessus de nos têtes alors que le système général lui-même venait de l'ouest-sud-ouest. Cela sans oublier que le flux d'altitude provenait pourtant du sud-sud-ouest. Le temps d'un regard entre-nous suffit pour conclure...
Hum, l'arcus là-bas est en fait une jupe de nuage-mur surmonté de son mésocyclone... Lorsque l'on s'est dit ces mots, on a eu du mal à le croire surtout lorsque le roi des orages daigne à se déplacer jusqu'à notre point de vue...
Crédit photo : Samina Verhoeven
Crédit photo : Samina Verhoeven
Crédit photo : Samina Verhoeven
Crédit photo : Samina Verhoeven
Crédit photo : Samina Verhoeven
L'idée de l'orage supercellulaire mise en tête et tout devena très claire pour moi-même et Samina et il s'agissait dès lors d'assurer un maximum. Sans le savoir, j'avais déjà couvert un maximum de plans trahissant les caractéristiques supercellulaires de l'orage mais ce n'est véritablement lorsque je vis le mésocyclone survoler le paysage sud et sud-est que la rotation était aisément visible à l'oeil nu et sans efforts (d'ailleurs l'accélération du nuage mur n'est que d'un facteur 4 dans le film). Cela se fit si bien et la structure fut si aboutie que la survenue d'une tornade ne nous aurait même pas étonné mais ce ne fut tout de même pas le cas. On savait à ce moment là que ce que l'on prenait pour un système multicelluaire avec arcus isolé était en fait une belle et grande supercellule dont on apercevait le courant ascendant et descendant.
Ce dernier ne tarda pas à se mettre au travail car les rares rideaux de précipitations du début laissèrent la place à un véritable mur d'eau qui s'avançait rapidement. On su directement, vu la proximité du mésocyclone que la chute de grêlons de diamètre élevé était un risque très présent et on se prépara à ce genre d'élément. Lorsque le courant descendant frappa à notre porte à coups de grêlons, c'était le début d'un carwash accompagné d'une douche personnelle "made in coffre de sa voiture" car même si cela ne se voit pas dans le film, on fut littéralement rincé vu le comportement aléatoire du vent lors de la chute des précipitations.
Crédit photo : Samina Verhoeven
En effet, si celui-ci soufflait du nord-ouest au sud-est au départ, cela changea rapidement de direction pour souffler du sud-sud-ouest au nord-nord-est ensuite, nous amenant les grêlons etc dans le coffre.
Sur le coup, je me dis que le glacier devait avoir son compte
mais nous en étions pas loin non plus. J'ouvris précipitamment la fenêtre opposée à la pluie pour continuer à filmer car il fallait avoir un minimum de matière pour le montage et rester concentré. Avec son slip trempé, ce n'était pas des plus facile à faire. D'ailleurs, les pieds sous les grêlons, j'entendais Samina émettre des "ouille, aïe, ouille" de temps en temps sans oublier les "tinc" "tanc" "tonc" sur la carrosserie et les trépieds.
Heureusement pour nous, les grêlons ne dépassèrent pas la taille de 1 cm, sans quoi, ça aurait été exagéré surtout que je n'avais pas de Martini avec moi pour en profiter.
Lorsque le courant descendant passa, nous pûmes sortir un peu afin de quitter notre piscine intérieur dont la bache que l'on pose dans l'habitacle avant chaque traque était la cause du fait qu'elle retient l'eau. Grâce à elle, on évita ainsi une inondation de la voiture. Dehors, on pu observer un spectacle son et lumière très actif vers le nord-est, de sorte qu'on voyait apparaître jusqu'à 3 éclairs par seconde, ceux-ci étant essentiellement composés d'intranuageux. Cette fréquence témoignait des violents courants qui devaient traverser l'orage...
Comme-ci cela ne suffisait pas, nous eûmes droit à un second orage supercellulaire qui zébra le ciel de multiples fois via des éclairs internuageux. On observa aussi un genre de rotation sur son flanc sud-est avec un étalement de son enclume vers le nord-nord-est mais cela avait tout de même l'air moins abouti que sur la première cellule. Cela n'empêcha pas notre orage de nous arroser également mais de manière bien plus légère dans le sens que son courant ascendant passa lui-même au dessus de nos tête.
Crédit photo : Samina Verhoeven
Crédit photo : Samina Verhoeven
Cela nous offrit une belle opportunité pour prendre des prises de vues d'une convection nocturne. En effet, avec tous les plans récoltés, faire des tests étaient tout à fait légitime et ceux-ci furent un succès.
Ainsi, le dernier plan du film se révèle être le test en question matérialisé par une ouverture de 1/3 de seconde au lieu de 1/50. Les saccades étant annihilés par le fait que le tout est accéléré en timelapse.
Crédit photo : Samina Verhoeven
Crédit photo : Samina Verhoeven
Crédit photo : Samina Verhoeven
Après l'un ou l'autre coup de foudre sous les cellules qui abordaient la Hollande, nous fûmes pris par l'envie de téléphoner à Jean-Yves afin de discuter avec lui de la "probable" supercellule mais vu son exclamation au premières secondes de la communication "Alors vous avez eu la supercellule ?" Je me suis dis que ça ne valait plus trop la peine de parler de "probable" mais nous sommes quand même tous restés prudents avant de la définir comme telle afin de recueillir diverses informations qui l'attestaient pertinemment
Enfin, vers 23h30, on repris la route du retour en se disant : "He bien, le montage de la compilation de la saison est à revoir mais ce fut réellement une sacrée journée de fin de saison, surtout que si ça doit finir ainsi, alors c'est une très belle fin, autrement, nous sommes prêt à recevoir, en livraison rapide sur notre point de vue, une nouvelle supercellule..."
Non mais, c'est bien le pire dans tout ça, la voiture n'a pas bougé d'un mètre pour suivre cet orage ou quoique ce soit d'autre, non, nous avons vécu toute la genèse ainsi que le passage à maturité d'une supercellule sans bouger d'un poil...
Une situation que Samina et moi-même n'oublieront certainement jamais de notre vie.
Enfin, la vidéo est disponible sur Youtube et sur le site Belgorage via un lien. Par ailleurs, cette vidéo étant en HD, n'hésitez pas à la visionner en plein écran. De même, un environnement sombre et des écouteurs pourront rendre l'expérience cinématographique nettement améliorée.
Pour visionner la séquence vidéo sur youtube, suivez le lien :
Orage supercellulaire en vidéo HDPour visionner la séquence vidéo sur le site, suivez le lien :
Orage supercellulaire en vidéo HD